
La transition vers le tout électrique a provoqué une reconfiguration profonde de l’industrie automobile mondiale. La Tunisie, grâce à un programme coconçu par les secteurs privé et public et porté par des industriels résilients et agiles, se positionne déjà sur le nouvel échiquier mondial de l’automobile. La migration progressive de son industrie vers les hautes tensions la place désormais sur les radars des grands constructeurs.
La Presse — Depuis la fabrication de la première voiture électrique, le marché mondial de la mobilité électrique a connu une évolution en dents de scie. Tensions géopolitiques, coûts de production élevés, guerres commerciales, durcissement des normes environnementales… Les raisons de cette évolution instable sont multiples.
Mais l’on s’accorde à dire que l’électrique est l’avenir de l’automobile. Les exigences environnementales et les obligations de réduction des émissions de gaz à effet de serre— auxquelles le secteur du transport contribue largement —placent tous les pays devant le fait accompli. Depuis le début de cette année, 22 millions de voitures électriques ont été vendues dans le monde, soit un tiers de la production automobile totale. Un chiffre qui confirme la tendance irréversible vers le tout électrique.
« La transition vers l’électrique est désormais une obligation pour les constructeurs automobiles, contraints par la législation de réduire leurs empreintes carbone et de produire des véhicules électriques », a expliqué à La Presse l’ingénieur et expert en mobilité électrique, Samir Touil. Cette contrainte réglementaire s’accompagne, en parallèle, d’un comportement écoresponsable grandissant chez les consommateurs, notamment européens. La voiture électrique n’est plus perçue comme un simple effet de mode, mais comme un choix durable et responsable.
Les nouveaux produits peuvent dynamiser la demande
Cependant, en Tunisie, la voiture électrique peine encore à s’imposer. Seuls 800 véhicules ont été immatriculés en 2025, bien loin des 5.000 initialement prévus par le gouvernement. Selon l’ingénieur Touil, cette réticence s’explique principalement par le prix, encore trop élevé pour le consommateur tunisien.
À près de 100.000 dinars, la voiture électrique reste hors de portée pour la majorité. Toutefois, «l’entrée sur le marché, en 2025, de voitures électriques chinoises à coût compétitif, aux alentours de 50.000 dinars, pourrait dynamiser la demande», estime l’expert. Il a ajouté que, d’une manière générale, les prix devraient continuer à baisser, offrant à la Tunisie l’opportunité d’orienter progressivement les consommateurs vers cette nouvelle catégorie de véhicules.
«Le marché mondial des voitures électriques est dominé par les constructeurs chinois, qui fabriquent près des deux tiers de la production mondiale », a-t-il souligné et d’ajouter : «Aujourd’hui, ils font face à une surcapacité sur fond de guerre commerciale. L’Europe a imposé de nouveaux droits de douane pouvant atteindre 35 % sur les voitures chinoises, ce qui a entraîné une hausse de leurs prix.
En conséquence, et par le jeu de l’offre et de la demande, les prix ont commencé à baisser et devraient continuer de fléchir. La Tunisie peut tirer profit de ce contexte pour accélérer sa transition vers la mobilité électrique».
Il a, par ailleurs, souligné que le déploiement insuffisant des bornes de recharge constitue également un frein au développement de la mobilité électrique en Tunisie. « Le développement de ce secteur nécessite la mise en place d’un véritable écosystème.
Or, aujourd’hui, l’infrastructure, une composante essentielle, reste insuffisamment développée, notamment en raison du nombre limité de bornes de recharge publiques. C’est un frein majeur, sachant que la première préoccupation d’un consommateur qui envisage d’acheter une voiture électrique est de savoir comment assurer l’autonomie de son véhicule », a-t-il expliqué.
La Tunisie est déjà leader régional dans la fabrication des composants pour les hautes tensions
Dans un monde où la carte de la production automobile est en constante redéfinition, la Tunisie reste aux aguets et n’a pas tardé à agir.
L’ingénieur souligne, en ce sens, que l’industrie tunisienne des composants automobiles a déjà entamé sa migration vers l’électrique. Leader régional dans la fabrication de faisceaux électriques, le pays se positionne désormais sur les composants destinés aux hautes tensions.
« De nouvelles unités de production ont déjà été installées spécifiquement pour la haute tension », a-t-il affirmé. Il a ajouté que dans un contexte de durcissement des normes environnementales, les industriels tunisiens n’ont pas tardé à faire preuve d’adaptation. Le secteur a rapidement su se conformer aux exigences en matière de réduction d’empreintes carbone pour maintenir sa compétitivité sur les marchés extérieurs.
« Le projet phare Automotive Smart city, qui est conçu selon les nouvelles normes environnementales imposées à l’industrie automobile, va faciliter davantage l’implantation de nouvelles unités de production et la mise à niveau de notre industrie nationale », a-t-il précisé. Il a souligné qu’aujourd’hui le coût de production n’est plus un critère prioritaire de choix pour les investisseurs, mais c’est plutôt la conformité aux nouvelles normes et exigences environnementales qui est en train de redéfinir les priorités des constructeurs automobiles dans le monde.